Dominik Schmidlin, responsable Stratégie de placement chez Baloise Asset Management, nous parle de l’importance du facteur «risque», de sa bonne gestion et des raisons pour lesquelles les investisseurs devraient parfois penser comme des assureurs.
Le fait qu’on préfère s’intéresser aux opportunités plutôt que de réfléchir aux risques tient probablement à la nature humaine. Mais se concentrer sur le seul rendement absolu ne suffit pas, car la réussite d’un placement à long terme dépend de la performance adaptée au risque, qui tient compte du risque encouru. Il est donc tout aussi important de se demander quels sont les risques liés à un placement.
En fin de compte, que ce soit comme assureur ou comme gérant de fortune, nous gagnons de l’argent en gérant différentes sortes de risques. La gestion des risques fait en quelque sorte partie de l’ADN d’une compagnie d’assurances. Les assureurs ont principalement affaire à deux sortes de risques. Tout d’abord, il y a ce qu’on appelle le risque technique, c’est-à-dire, par exemple, le risque de mourir trop jeune ou de subir une perte en raison d’une catastrophe d’origine humaine ou naturelle. Le deuxième risque auquel les assureurs sont exposés a trait aux placements de capitaux. Les assureurs perçoivent à l’avance des primes qui sont investies avant le traitement des sinistres. Comme les rendements des placements sont incertains, les assureurs doivent accorder autant d’attention aux risques concernant les placements de capitaux qu’aux risques techniques.
Notre constat le plus important est qu’il est crucial, tant pour les assureurs que pour les investisseurs, d’évaluer globalement les risques en prenant en compte les effets sur le plan des actifs comme sur celui des passifs. Pour les placements, cela signifie qu’on ne doit investir que dans des instruments dont on comprend les risques dans le détail et dont on est capable de supporter les pertes, sans tomber dans l’action à tout va. Ce qui est important, c’est de définir une stratégie de placement fondée sur les risques et de la mettre en œuvre avec rigueur, même dans les phases de volatilité élevée.
Il n’est pas toujours facile de garder son sang-froid dans les phases de crise. De nombreuses études ont toutefois montré que les tentatives de pratiquer le market timing pendant ces phases ne permettaient pas vraiment d’améliorer durablement le résultat des placements. Dans ce domaine, c’est la question de l’horizon de placement qui joue un rôle central. Pour les investisseurs privés comme pour les affaires assurance vie, cet horizon peut facilement s’étendre sur plusieurs décennies. En conséquence, investir nécessite de penser à long terme. Cette longue durée ouvre aussi des possibilités de placement intéressantes.
Dans ce processus, il faut réfléchir aux besoins et aux exigences concrets. Chez les investisseurs privés aussi, les besoins représentent pour ainsi dire le passif du bilan et jouent donc un rôle essentiel dans la définition de la stratégie de placement personnelle. Sur cette base, on peut déterminer l’horizon de placement et, en associant celui-ci à la capacité de risque et à la propension au risque, on peut déduire une stratégie de placement adaptée. Ensuite, comme je l’ai déjà indiqué, il faut faire preuve de rigueur dans la mise en œuvre de la stratégie.
Une chose est particulièrement importante dans le domaine de la gestion des risques: l’objectif n’est pas d’éliminer les risques et la volatilité, mais de les comprendre et de les gérer. En clair: si on mesure correctement les risques et qu’on les gère correctement à l’aide de mécanismes de contrôle efficaces, on peut parvenir à les réduire et donc à préserver la capacité de risque. De cette manière, on peut et on doit saisir les opportunités qu’offre le marché en appliquant une politique de placement prudente.
La diversification, c’est-à-dire une grande dispersion des placements, est un élément central de la gestion et du contrôle des risques. Mais comme, en temps de crise, les corrélations augmentent, l’avantage qu’apporte la diversification diminue justement au moment où on en a le plus besoin. À cela s’ajoute que, avec la faiblesse historique des taux, le potentiel de diversification des obligations par rapport aux actions devrait être réduit dans les crises à venir. Pour ces raisons, les stratégies de placement dynamiques qui visent à limiter les pertes, par exemple, sont une autre possibilité de circonscrire les risques de perte. En plus de cela, le rééquilibrage régulier, c’est-à-dire le fait de faire revenir les différentes composantes du placement à leur pondération stratégique, ainsi que des méthodes traditionnelles telles que les limites stopp-loss ou, pour les investisseurs avertis, les couvertures au moyen de dérivés constituent des approches judicieuses pour empêcher les pertes importantes ou préserver les gains.
Dominik Schmidlin
Responsable Stratégie de placement, Baloise Asset Management